Dia Siete: Libellulera bien qui libellulera le dernier

C'est le jour J.
J pour jecherchedeslibellules.
En ce jour solennel, brumeux et sanglant, je déclare la chasse odonatienne OUVERTE!

Ce matin, pour tromper l'ennui, Rambo a décidé d'asperger ses haricots noirs de ce qui semble être un semblant, mille fois renié, de sirop de poteau costa Ricain. Tsss... Vaine tentative, espèce de traître au Gallo Pinto. En ce qui a trait au reste du déjeuner, laissez-moi tenter un semblant de déduction logique: il y a du chou dans nos oeufs brouillés quotidiens, et hier, on a mangé des cigares au chou.
Curieux.

Maintenant, il faut s'y mettre.
L'espace d'une journée, notre alliance ASPienne se dissout: Vincent et Mel d'un côté, Carine et moi de l'autre, farouchement armés d'un micofilet jaune, à peine plus efficace que mes deux mains jointes ensemble.
On anticipe de voir briller nos libellules par leur absence. On redoute même leur inexistence... Pis encore: on soupçonne une conspiration insectienne, ou alors que la date de nos prises de données ne corresponde avec l'annuel Rassemblement Des Odonates Du Monde, un colloque qui se déroulerait à l'extérieur du pays.

C'est donc la peur au ventre (n'exagérons rien) que nous amorçons notre chasse dans la Small Forest. On marche touuuuuut doucement, en scrutant les environs comme jamais, craignant d'apeurer nos cobayes peut-être fictifs.

Puis, ô illumination des illuminations, dans la lumière bienfaisante du jour, rayon d'espoir, nous apercevons notre première libellule. Woaaaah... À cet instant, j'ai cru entrevoir en ce monde de noirceur et de perdition un instant de clarté, une illumination, un espoir pour un groupe d'étudiants en devenir.

On croit rêver devant le premier spécimen rencontré (qui sera plus tard intronisé, maintes fois canonisé et finalement baptisé ISABELLUS SALOPUS, en l'honneur de la chanson de Jean Leloup: la libellule facile, quoi). À pas de loup, on tente une approche furtive, incognito, Pokahantasienne, le calme avant la tempête, le chasseurchansantchacherchanschonsiendesache, tout doucement, avec le filet, mais pas trop vite, allez, c'est ça, en catimini, c'est bon, avec l'agilité du guépard agile, silencieusement, tout doux, bouge pas, chut, on y est presque, encore un peu, pas trop vite, c'est bon on y va, on y va?, on y va, on y va, là, on y va? on y va... ON Y VA, ÇA Y EST, vlan, shoui, VITE, NON, par terre, OUI, DANS LE FILET, oui? , Non?, OUI! RÉUSSI! ENFIN, NON... OUI, OUI! BRAVO!
Nous jubilons, et nous empressons de prendre 287289372 photos, juste au cas où nous ne reverrions plus de libellule de la journée, ce que l'on redoute avant tant d'ardeur.


On se félicite: c'est que nous sommes douées, non mais. Du sérieux, du professionnalisme, quoi. Comme ça, hop, du premier coup, sans effort. Ce n'est pas une question de moyens, non môôôôssieur, il faut du courage, de la tactique, de la détermination et du talent, oui môôôôssieur.
Après avoir crié au miracle devant la première Libellule ("le hasard fait si bien les choses!") et talfie-walké notre douce moitié ASPienne ("OKAY, GANG: ON EN A TROUVÉ UNE"), on s'extasie devant la seconde ("quelle veine on a!"), puis devant la troisième ("aucun doute possible: DIEU EST BON") et puis, et puis...
ET PUIS ZUT.

PURÉE. On a été doublés: finalement, La Suerte pullule, dégouline, fourmille, DÉBORDE de libellules.

Dire qu'on évaluait la prise d'une ou deux espèces comme satisfaisante, et qu'avec de la chance, on s'attendait à voir au plus une ou deux dizaine par jour... Avec ces quelques centaines d'apparitions libellulesques lors de la première journée, il y a de quoi ravaler notre naïveté. Pire encore: on n'a retrouvé aucune libellule là où on avait posé l'hypothèse d'en rencontrer le plus, et 23891298371 là où nous nous sommes aventurés par hasard et sans conviction.
Humhum.

Libellules: UN
Dignité: ZÉRO.

Et je tiens à préciser que les trois libellules du début qui étaient posées sur une fougère n'ont absolument rien d'exceptionnel, parce qu'il s'agit de l'espèce la plus abondante, de loin la plus vedge et somme toute la plus facile à capturer. QUEL EXPLOIT.

Bon. C'est pas tout, les désillusions, hein! DES PHOTOS, ON VEUT DES PHOTOS! Voilà ce que ça donne, des enfants biologistes qui s'amusent avec un filet à papillon Fisher Price:

Une Demoiselle non baptisée

Jeune demoiselle recherche un mec parfait

La Dame en bleu

La Minus ou la Coquinus, j'me souviens plus

La Lapsus, dite la Libellule rouge Géante Mangeuse d'homme
(ambition # 82738: attraper cette damnée libellule = ÉCHEC)

La Ringostarus (ma préférée!)

La Wannabus (très semblable à l'Isabellus Salopus, on l'a discriminatoirement catégorisée de Wannabe)

L'Isabellus Salopus, dite La Saloppe Ah la vache

La François Pérus (aperçue la dernière journée, nous avons dû la déporter pour aller chercher un appareil-photo, avant de la "rapporter où nous l'avions capturée" -du moins, c'est ce que l'on a dit à René - en toute conscience écologiste)

La Malinus (frissons dans le dos), dite la Libellule noire mangeuse de T-REX, dite aussi L'Exorcisme d'Émilie Rose. Sans farce, cette libellule donnait la chair de poule: le seul spécimen capturé a essayé de me bouffer toute entière en se débattant comme un démon entre mes doigts, claquant des mandibules. J'étais certaine qu'elle allait me crier des injures, me parler latin ou me vomir dessus.

Autre demoiselle X...

Spécimen X, qui n'a été vu qu'au premier matin, pour ensuite ne plus jamais réapparaître.

Isabellus salopus BLEUE

C'est plutôt impressionnant de voir autant de variétés, de tailles et de couleurs, chez les libellules! Des jaunes, des rouges (incapturables, parce qu'elles ont a peur près la vitesse d'un Boing et qu'elles volent à trois mètres d'altitude, sales chipies), des noires, des vertes, des bleues, des beiges... Tantôt velues, tantôt colorée, mince, rapide, docile, répugnante (je l'avoue: les libellules trapues avec de petites ailes, ce n'est pas mon fort)... Nous avons également croisé quelques demoiselles, elles aussi de l'ordre des odonates, qui diffèrent des libellules de par la position de leurs deux paires d'ailes. On leur donne tous des noms provisoires, question de les identifier en attendant d'en connaître le véritable nom scientifique. Je cite: Isabellus, Wannabus, Minus, Ringostarus, Lapsus, Coquinus... QUE DU LATIN.

Ce soir, on rentre à la Main House les jambes mortes et le corps fatigué. Quand je ferme les yeux, je vois des Libellules. Ce fut une grosse journée, et ce ne le sera que davantage demain, vu l'heure du lever, parce qu'on veut optimiser notre plage de temps. Chic.
Ça ne nous empêche toutefois pas d'aller assister à la capture de chauves-souris par l'expert en la dite chose importé de St-Jean-Sur-Richelieu, responsable de l'autre groupe de québécois, qui fut GÉNIALE. Au Costa Rica, bien qu'on en retrouve des insectivores, carnivores et compagnie, la majorité des espèces de chauves-souris est frugivore. C'est donc une petite bébête mangeuse de fruit, qu'il faut veiller à rassasier pendant la capture (sinon quoi elles ne risquent pas de survivre bien longtemps), qui s'est fait prendre dans les filets installés dans la Small Forest... Je lui ai même servi de piste de décollage, une fois mesures et observations complétées.

Le reste de la soirée, comme toujours, fut plaisante, à jacasser à la Main House.
L'ASP épuise pas mal tout le monde, je crois...

1 commentaire:

Vincent a dit…

J'adore la description du merveilleux moment de la première capture!

Cétait pareil pour nous de notre côté, on était salement fiers, ca oui! Pourtant, c'était juste des salopes, cest pas comme si on en avait vu 400 de celles-la, sales libellules faciles!

ahah, la remarque sur la bouffe est soo vrai! Ce que cétait mystérieux de retrouver dans la bouffe du matin exactement les memes trucs, mais un peu transformés de la veille :O
C'est ce que j'appelle un mystère entier et non résolvable..