Dia Dies : On the road again

Dia Nueve : The Final Countdown

Debout à l'aurore, on fait de vrais guerriers de nous. Des cernes jusqu'en dessous des bras, la barbe (ou les jambes?) mal rasée, les cheveux hirsutes, les talons à vif à cause des bottes de caoutchouc, le moral des troupes survit avec l'énergie du désespoir.
Notre défi de la journée: SURVIVRE. Pour ça, on est prêts à chasser les odonates jusqu'au bout de la Terre, là où tout le monde tombe. Toute ma tribu y est tombée, toute ma famille, tout le monde, même moi... Ah, non. Pas moi.

On lâche pas! Même si l'équipe des colibris (qui doit se lever à 4h00 tous les matins) a l'air en perpétuels SPM, que celle des fourmis vit la nuit depuis trois jours (ces insectes-là étant beaucoup plus actifs la nuit) et que les gars des bambous se sont fait attaqués par des fourmis légionnaires la veille (MAIN, FESSES, PIEDS! On ne le dira jamais assez souvent) on réussit à s'encourager en se disant que c'est la dernière journée de dur travail.

Peu après le dîner se produisit le plus beau jour de ma vie: nous avons été témoins d'UN TREMBLEMENT DE TERRE!
Mais là, on se calme, eh, oh: petit. Tout petit petit... On a d'abord été surpris de voir les plantes accrochées au plafond se balancer avec un dynamisme anormal, pour le peu de vent qu'il y avait... Étrange... Puis d'entendre la tôle du toit gronder comme pendant un orage... Tiens tiens... Puis de voir les cocotiers se pencher d'avant en arrière... Curieux... J'ai regardé autour, en cherchant le tyrex, mais aucune trace de dinosaure... Hmm...
On se regarde, et on met un moment à réaliser qu'on est victime d'un tremblement de terre, rien de moins. Woah! Alors que la chose la plus brillante à faire aurait été de s'éloigner du bâtiment, on est surtout restés là à profiter du spectacle. Mais bon: on est impressionnable ou on ne l'est pas! La secousse n'a duré qu'une minute ou deux, et ça nous a prit quelques instants à le réaliser, parce qu'on avait encore la tête qui tournait légèrement.

Tout le reste de l'après-midi, rien n'allait plus dans la jungle: les singes hurleurs hurlaient de plus belle et les oiseaux criaient. Les libellules, elles? Rien de très différent: elles continuaient à vedger ici et là, à vivre platement leur vie plate de libellules plates, quoi.
Surtout les Isabellus. Quelles salopes...
(ce moment d'amertume gratuite était le fruit d'une écoeurantite chronique d'odonates)

Folie de la journée: en scientifiques que nous sommes, Vincent et moi avons décidé de tester la capacité des dendrobates à survivre en milieu aquatique. Conclusion? Une dendrobate, ça nage pas ben ben...
(Avis aux coeurs sensibles: la dendrobate utilisée pour cette sérieuse expérimentation a bien évidemment survécu... enfin, je pense.)

Arrive enfin la fin de la journée! JOIE JOIE JOIE!
En après-midi, Ionel nous a fait une surprise et amène les plus courageux du groupe descendre en tube (!!!) la rivière qui découpe la Small Forest en deux. J'CAPOTE! C'EST COMME FAIRE L'AMAZONE DE VALCARTIER, MAIS EN MIEUX! En 102392983 fois mieux, même! On est encerclés par la végétation CostaRicaine, il y a de VRAIES lianes qui pendent dans l'eau (« No! No! Don't do it! Snakes ! » nous prévint d'ailleurs Ionel lorsque P-O et moi décidâmes de nous suspendre à une liane pour voir si, à l'image de l'Amazone, de l'eau n'allait pas tomber d'un arbre), et on a même vu un Jesus Christ Lizard (les lézards qui courent sur l'eau) passer devant nous!
À chaque immersion, les parasites intra-urètriens (ceux qui entrent dans l'urètre, se gonflent et s'y fixe avec quelque épine que ce soit, pour se nourrir du sang de leur victime... en un mot: CHARMANT) nous guettent. Houuh ouh ouhh... Excitant!
(À vrai dire, on a par la suite réalisé qu'il y avait probablement beaucoup trop de pesticides ET/OU de fumier provenant des fermes voisines dans l'eau pour que quoi que ce soit y vive)
C'EST LE PLUS BEAU JOUR DE MA VIE! (eh oui, encore)

On finit notre parcourt au niveau d'un escalier/butte de terre qui mène aux dortoirs, on essaie vainement de convaincre Ionel de nous laisser le refaire encore une fois, puis on se gâte une douche et surtout une crème glacée à la noix de coco (à 200 Colones la crème glacée, j'en prendrai bien une douzaine d'autres).

Et on termine notre aventure à la Suerte par une une Imperial ou deux (la bière Costa Ricaine), à chiller, à chanter du Joe Dassin (One love P-O!), *TOUSSEà miser 10000 colones*TOUSSE, et à fêter la fin de l'ASP.

Fin de notre vie de Tarzan et Jane!

Dia Ocho : Libellule, quand tu nous tiens

5h15 du mat... L'aube se pointe paresseusement à l'horizon. Les singes-hurleurs réveillent la jungle de leurs joyeuses plaintes primitives. Vincent est déjà debout. Penaud, entre les dortoirs des garçons et des filles, Vincent poireaute. Vincent patiente. Vincent attend. Qui, quoi? Le Messie, peut-être (en plein son genre). Vincent se balance quelques instants dans un hamac. Se lève. Vincent est seul et attend toujours. Un ange passe. Vincent en sûrement a marre...

Mais qui peut bien poser un lapin aussi lâchement à un homme aussi ponctuel (en plus d'être vénérable en tous points)?

Je vous donne la réponse en bref: TROIS LARVES ENDORMIES QUI SORTENT EN PANIQUE DU DORTOIR DES FILLES, 30 MINUTES TROP TARD, EN ACCUSANT LEUR RÉVEIL-MATIN. Merci, subtile (muette?) sonnerie-réveil de Ipod!

BREF: nonobstant notre léger (pitoyable) manque de ponctualité (de volonté) au rendez-vous (bévue # 34982018329, qui entraîne l'ambition # 2937: me faire pardonner par Vincent) et le si petit (alarmant) retard (après tout: 45 minutes de plus ou de moins?) que nous avons pris dans l'horaire de la journée, on débute le tout en force, en prenant soin d'intervertir les équipes de forêt, histoire de tromper la routine.

Après une ou deux heures à se dégourdir les jambes en laissant peu à peu derrière nous nos restes de sommeil et à compter encore et toujours les libellules qui passent, on se rend tranquillement compte à quel point les vêtements éternellement humides qui nous collent à la peau chlinguent. C'est comme avoir oublié son linge sale dans une laveuse pendant un an et demi... Je vous enseigne illico la technique de la génération spontanée: un vieux T-shirt, d'la bouette, 32 degrés Celcius et une humidité relative de 98%. Pour recréer la vie, c'est pas tant compliqué.

Entre deux averses (et deux remises en question de l'ASP), j'en viens presque à croire qu'on ne peut pas prétendre avoir déjà vu pleuvoir sans avoir vu la pluie du Costa Rica... Assis bien à l'abri des feuilles de tôle de la Main House, sur la terrasse, on entend le grondement sourd de la pluie arriver au loin. Plus impressionnant encore: on peut VOIR le rideau d'eau qui s'avance en trombe vers nous, sous le flot des commentaires mouillés émanant des walkie talkies de nos compères aqueux, que l'averse n'a pas épargnés. Et le tout repart aussi soudainement qu'il est venu. Wow! On se gâte une danse de la pluie, et on retourne au boulot.

Et on finit la journée à se balader dans la forêt de bambous, à jaser avec les capucins et les pic-bois, en faisant gaffe à l'énorme nid de fourmis de genre 3 mètres de diamètre (et c'est juste ce qu'on voit en surface!) auquel de vraies autoroutes de fourmis coupeuses de feuilles mènent. Ça a l'air donc bien passionnant, la vie d'insecte!!
(projet de réincarnation # 23: devenir une fourmis ninja coupeuse de feuille)

Dia Siete: Libellulera bien qui libellulera le dernier

C'est le jour J.
J pour jecherchedeslibellules.
En ce jour solennel, brumeux et sanglant, je déclare la chasse odonatienne OUVERTE!

Ce matin, pour tromper l'ennui, Rambo a décidé d'asperger ses haricots noirs de ce qui semble être un semblant, mille fois renié, de sirop de poteau costa Ricain. Tsss... Vaine tentative, espèce de traître au Gallo Pinto. En ce qui a trait au reste du déjeuner, laissez-moi tenter un semblant de déduction logique: il y a du chou dans nos oeufs brouillés quotidiens, et hier, on a mangé des cigares au chou.
Curieux.

Maintenant, il faut s'y mettre.
L'espace d'une journée, notre alliance ASPienne se dissout: Vincent et Mel d'un côté, Carine et moi de l'autre, farouchement armés d'un micofilet jaune, à peine plus efficace que mes deux mains jointes ensemble.
On anticipe de voir briller nos libellules par leur absence. On redoute même leur inexistence... Pis encore: on soupçonne une conspiration insectienne, ou alors que la date de nos prises de données ne corresponde avec l'annuel Rassemblement Des Odonates Du Monde, un colloque qui se déroulerait à l'extérieur du pays.

C'est donc la peur au ventre (n'exagérons rien) que nous amorçons notre chasse dans la Small Forest. On marche touuuuuut doucement, en scrutant les environs comme jamais, craignant d'apeurer nos cobayes peut-être fictifs.

Puis, ô illumination des illuminations, dans la lumière bienfaisante du jour, rayon d'espoir, nous apercevons notre première libellule. Woaaaah... À cet instant, j'ai cru entrevoir en ce monde de noirceur et de perdition un instant de clarté, une illumination, un espoir pour un groupe d'étudiants en devenir.

On croit rêver devant le premier spécimen rencontré (qui sera plus tard intronisé, maintes fois canonisé et finalement baptisé ISABELLUS SALOPUS, en l'honneur de la chanson de Jean Leloup: la libellule facile, quoi). À pas de loup, on tente une approche furtive, incognito, Pokahantasienne, le calme avant la tempête, le chasseurchansantchacherchanschonsiendesache, tout doucement, avec le filet, mais pas trop vite, allez, c'est ça, en catimini, c'est bon, avec l'agilité du guépard agile, silencieusement, tout doux, bouge pas, chut, on y est presque, encore un peu, pas trop vite, c'est bon on y va, on y va?, on y va, on y va, là, on y va? on y va... ON Y VA, ÇA Y EST, vlan, shoui, VITE, NON, par terre, OUI, DANS LE FILET, oui? , Non?, OUI! RÉUSSI! ENFIN, NON... OUI, OUI! BRAVO!
Nous jubilons, et nous empressons de prendre 287289372 photos, juste au cas où nous ne reverrions plus de libellule de la journée, ce que l'on redoute avant tant d'ardeur.


On se félicite: c'est que nous sommes douées, non mais. Du sérieux, du professionnalisme, quoi. Comme ça, hop, du premier coup, sans effort. Ce n'est pas une question de moyens, non môôôôssieur, il faut du courage, de la tactique, de la détermination et du talent, oui môôôôssieur.
Après avoir crié au miracle devant la première Libellule ("le hasard fait si bien les choses!") et talfie-walké notre douce moitié ASPienne ("OKAY, GANG: ON EN A TROUVÉ UNE"), on s'extasie devant la seconde ("quelle veine on a!"), puis devant la troisième ("aucun doute possible: DIEU EST BON") et puis, et puis...
ET PUIS ZUT.

PURÉE. On a été doublés: finalement, La Suerte pullule, dégouline, fourmille, DÉBORDE de libellules.

Dire qu'on évaluait la prise d'une ou deux espèces comme satisfaisante, et qu'avec de la chance, on s'attendait à voir au plus une ou deux dizaine par jour... Avec ces quelques centaines d'apparitions libellulesques lors de la première journée, il y a de quoi ravaler notre naïveté. Pire encore: on n'a retrouvé aucune libellule là où on avait posé l'hypothèse d'en rencontrer le plus, et 23891298371 là où nous nous sommes aventurés par hasard et sans conviction.
Humhum.

Libellules: UN
Dignité: ZÉRO.

Et je tiens à préciser que les trois libellules du début qui étaient posées sur une fougère n'ont absolument rien d'exceptionnel, parce qu'il s'agit de l'espèce la plus abondante, de loin la plus vedge et somme toute la plus facile à capturer. QUEL EXPLOIT.

Bon. C'est pas tout, les désillusions, hein! DES PHOTOS, ON VEUT DES PHOTOS! Voilà ce que ça donne, des enfants biologistes qui s'amusent avec un filet à papillon Fisher Price:

Une Demoiselle non baptisée

Jeune demoiselle recherche un mec parfait

La Dame en bleu

La Minus ou la Coquinus, j'me souviens plus

La Lapsus, dite la Libellule rouge Géante Mangeuse d'homme
(ambition # 82738: attraper cette damnée libellule = ÉCHEC)

La Ringostarus (ma préférée!)

La Wannabus (très semblable à l'Isabellus Salopus, on l'a discriminatoirement catégorisée de Wannabe)

L'Isabellus Salopus, dite La Saloppe Ah la vache

La François Pérus (aperçue la dernière journée, nous avons dû la déporter pour aller chercher un appareil-photo, avant de la "rapporter où nous l'avions capturée" -du moins, c'est ce que l'on a dit à René - en toute conscience écologiste)

La Malinus (frissons dans le dos), dite la Libellule noire mangeuse de T-REX, dite aussi L'Exorcisme d'Émilie Rose. Sans farce, cette libellule donnait la chair de poule: le seul spécimen capturé a essayé de me bouffer toute entière en se débattant comme un démon entre mes doigts, claquant des mandibules. J'étais certaine qu'elle allait me crier des injures, me parler latin ou me vomir dessus.

Autre demoiselle X...

Spécimen X, qui n'a été vu qu'au premier matin, pour ensuite ne plus jamais réapparaître.

Isabellus salopus BLEUE

C'est plutôt impressionnant de voir autant de variétés, de tailles et de couleurs, chez les libellules! Des jaunes, des rouges (incapturables, parce qu'elles ont a peur près la vitesse d'un Boing et qu'elles volent à trois mètres d'altitude, sales chipies), des noires, des vertes, des bleues, des beiges... Tantôt velues, tantôt colorée, mince, rapide, docile, répugnante (je l'avoue: les libellules trapues avec de petites ailes, ce n'est pas mon fort)... Nous avons également croisé quelques demoiselles, elles aussi de l'ordre des odonates, qui diffèrent des libellules de par la position de leurs deux paires d'ailes. On leur donne tous des noms provisoires, question de les identifier en attendant d'en connaître le véritable nom scientifique. Je cite: Isabellus, Wannabus, Minus, Ringostarus, Lapsus, Coquinus... QUE DU LATIN.

Ce soir, on rentre à la Main House les jambes mortes et le corps fatigué. Quand je ferme les yeux, je vois des Libellules. Ce fut une grosse journée, et ce ne le sera que davantage demain, vu l'heure du lever, parce qu'on veut optimiser notre plage de temps. Chic.
Ça ne nous empêche toutefois pas d'aller assister à la capture de chauves-souris par l'expert en la dite chose importé de St-Jean-Sur-Richelieu, responsable de l'autre groupe de québécois, qui fut GÉNIALE. Au Costa Rica, bien qu'on en retrouve des insectivores, carnivores et compagnie, la majorité des espèces de chauves-souris est frugivore. C'est donc une petite bébête mangeuse de fruit, qu'il faut veiller à rassasier pendant la capture (sinon quoi elles ne risquent pas de survivre bien longtemps), qui s'est fait prendre dans les filets installés dans la Small Forest... Je lui ai même servi de piste de décollage, une fois mesures et observations complétées.

Le reste de la soirée, comme toujours, fut plaisante, à jacasser à la Main House.
L'ASP épuise pas mal tout le monde, je crois...

Dia seis: y' pleut, Y' MOUILLE

Ce matin, nous nous sommes levés avec comme l'étrange sensation d'avoir largement défoncé les quelques 100% d'humidité relative (ça ou vivre sous la mer, c'est du pareil au même) que nous indique depuis notre arrivée la mirifique station météorologique du collège, aussi impossible cela soit-il.

5h15: mon paisible sommeil d'exploratrice est écourté par la trombe d'eau qui s'affale pour un second matin sur le toit de la cabine. Bah... rien à craindre! Nous sommes au début de la saison sèche, après tout: les risques que l'averse perdure toute la journée sont sans doute minimes.
Une heure plus tard, la pluie n'a toujours pas cessé, et c'est déjà l'heure d'aller gallopintoer (Gallopintage: action de « manger du Gallo Pinto »). Mhoui, bon: la pluie, c'est pas génial pour les travaux dirigés, mais au moins il n'y a aucun risque que ça perturbasse la quiétude platonique des Socrates (haha, platon-socrate, je me trouve donc drôle), ces palmiers à racines échasses que notre équipe devra étudier.

J'enfile mes fidèles bottes de caoutchouc fluos, coqueluches de toutes les autres paires de bottes, et je file à la Main house, déjà trempée de la tête aux genoux après quelques minutes de marche.
SAISON SÈCHE, MON OEIL!

Le déjeuner passe, dans la fébrilité et le doute qui plane au sein des étudiants quant à l'obtention de résultats concluants en raison des intarissables nuages... Après un consortium de l'équipe des Socrates, nous décidons de nous lancer dans la pluie qui fait toujours rage. LES SOCRATES N'ATTENDENT PAS, EUX.

De cette journée je tire quatre conclusions:
Primo: ça a beau ne pas bouger, ces arbres-là, CE N'EST PAS COMMODE POUR AUTANT. Les techniques de mesures semblent plus qu'incertaines, et il faut faire des pieds et des mains pour arriver à mesurer cette fichue circonférence du cône de racines. On risque à chaque coup une embuscade violente de boa constrictor mangeur de biologistes, de crapaud venomous leche ou de dendrobates tueuses. Très rassurant.
Deuzio: beaucoup de données récoltées par les équipes des deux précédents jours ne valent plus rien, parce que la dite circonférence du tronc est manquante... Ce qui implique que l'on doit repasser par dessus leurs mesures. JOIE.
Tertio: je me suis faite attaquée sauvagement par un Socrate dangereusement armé et son acolyte « Monsieur Tronc de Palmier Sanglant Étendu Par Terre », qui m'a valu un genou amoché et une aiguille de d'un pouce et demi (si, si, ça existe!) de je ne sais quelle espèce d'arbre plantée dans le gros orteil.
Et finalement: J'AIME LA PLUIE!

Ouhlàlà...
Moi qui croyais avoir connu le déluge lors des olympiades par temps diluvien de la troisième session, à Bellefeuille, cet été, j'étais loin d'être au courant de ce qu'on appelle: LA FORÊT TROPICALE HUMIDE. Si j'avais eu de blancs moutons, je tiens pour serment qu'il y a belle lurette que je les aurais tous rentrés.

Ce n'est qu'à la toute fin de la journée que, en daignant lever le nez plus haut qu'à la hauteur des racines du dit philosophe, j'ai remarqué qu'il s'agissait vraiment de beaux p'tits palmiers, ma foi. Mais ne croyez pas que ça suffit à leur faire pardonner leur attaque de tout à l'heure. Toutes les équipes sont un peu découragées, mais surtout détrempées. Des Walkie Talkie émanent des « J'ai un serpent aquatique dans ma botte » et autres joyeusetés. Sur le chemin du retour, après une dure journée aqueuse, je jette un coup d'œil à ces petits champignons orange vif qui poussent un peu partout, en forme de siphon de toilette. Ils sont fichtrement amusants, mais je doute qu'ils soient comestibles... (ambition # 4276: survivre à l'ingestion de champignons psychotropes)

En cette fin d'après-midi pluvieuse, nous trouvons réconfort et un tant soit peu de chaleur dans l'accueillante Main house, aussi humide soit-elle. Si j'avais à décrire l'allure des troupes, je dirais: mouillés, délavés et hydrosolubles. Ce soir, nous avons à choisir notre sujet et équipe d'ASP... Avec Vincent, Mélissa et Carine, nous nous sommes finalement décidés pour les Libellules (et non, je ne parle pas ici de fillettes de 7 à 9 ans, espèce attendrissante d'Homo Sapiens Sapiens qui aiment à séjourner à l'occasion au camp Bellefeuille) et leur patron de dispersion selon le milieu et les facteurs abiotiques, à certains moments de la journée...

Espérons que ça portera fruit!...

Et le Prix de La Gloire Éternelle est attribué à...

J'AI UN SERPENT DANS MA BOTTE! dit un jour un fier cowboy (un homme à vache, quoi) portant le délicieux prénom, surnom et nom d'artiste Woody.



Je tiens donc à lui décerner, dans le respect des plus total et magnanime, le très vertueux Prix de La Gloire Éternelle de Cannes, car il a su nous épauler sans faillir au cours de notre fastueux mais ô combien ardu périple caniculaire. Dans notre délire psychothermique, alors que l'accablement, la geignardise et, pis encore, la chochottitude tentaient de pourfendre nos esprits, nous avons réussi à censurer nos plaintes (Et je cite les dites plaintes: J'AI CHAUD) d'un libérateur "J'ai un Serpent dans ma botte!", idée indiscutablement plus horrible qu'un coup de chaleur, ce qui avait de quoi nous repentir de nos minime inconfort. Ce qui nous a probablement tous sauvés d'une dénaturation imminente d'enzymes et de protéines essentielles à notre survie.



JAMAIS il ne nous a harcelés de mots diffamatoires tels que Droits d'auteur, Copyright ou Médiagraphie. JAMAIS il n'a failli, dans l'adversité et le désarroi cataclysmique. JAMAIS nous n'avons pu lui en vouloir de vivre des aventures beaucoup plus mortellement dangereuse que nos coups de chaleur.



Woody, merci d'avoir égayé nos moments de torpeur et de nous avoir insufflé quoi dire dans les moments où nous nous serions laissés à nous plaindre de la chaleur.



http://ca.youtube.com/watch?v=zB2gPZRsz0Q

Dia cinco : dinosaure nosaure

Je dédie cette journée à Petit Pied (Le Dinosaure, de son nom de jeune fille), parce qu'il a eu des descendants reptiliens vachement chouettes.

Cette nuit, il a plu.

En réalité, c'est à une reconstitution du Grand Raid, d'une bataille navale explosive et de la non moins célébrissime comédie-musicale Les claquettes de l'enfer, le tout réuni, que nous avons assisté tôt ce matin, si on en croit le bruit des missiles acérés qui se sont jetés sur le toît de tôle des cabines. Ça faisait un joli chaos, saperlipopette.
Au déjeuner, la pluie n'est plus que chose du passé, ce que l'on ne peut toutefois pas dire à propos de l'humidité (273% d'humidité, c'est possible?). Si quelqu'un avait besoin de s'hydrater, il n'aurait qu'à avaler une grosse gorgée d'air!
Et maintenant, nous en sommes au laboratoire sur les lézards les plus SENSASSS de la Terre, j'ai nommés Ameiva festiva (qui est de loin mon préféré: il a la queue turquoise, la couleur qui ait l'étonnante caractéristique de fiter avec absolument tout) et un autre monstre à la taille de guêpe pachidermique (allant peut-être jusqu'à 25-30 cm avec la queue), que j'appellerai provisoirement - en attentand de retrouver le nom dans les recoins mal entretenus de ma mémoire - le Machinsaurus trapus, en l'honneur de sa taille balèse et de son air bacaisse.
Il est question d'observer à quelles périodes de la journée ces petites bébêtes, qui dans la jungle aiment à se ballader gaiement le coeur content le pied léger valderi valdera, sont le plus actives. Poursuivis par la on ne peut plus humide humidité, nous nous introduisons donc au coeur de la Small Forest, prêts à traquer ces P'tirex.
Muets, invisibles, nous avançons à pas lents, des yeux partout, jusque dans les plis de coudes et derrière les oreilles.
Ils nous guettent, la peau sablée d'écailles, leurs griffes meurtrières - prêtes à crisser sur le premier tableau noir qui osera s'en prendre à eux - se joignant à leur regard de feu
Et on devra les affronter. À mains nues.
... car OUI: c'est bien à main nue que nous avons du PRENDRE, ô calamité des calamités, UN CRAYON POUR NOTER NOS OBSERVATIONS!

Mais voilà ti pas qu'on dirait que ces butors de pied plat ridicules n'apprécient guère la pluie!
MONTREZ-VOUS, PAR TOUTATIS!
Il nous a bien fallu, à Audrey et moi, tous nos efforts d'observatrices muettes pour arriver à voir se poindre le bout de l'orteil du bout de la patte du bout de la puce du bout du poil du bout de la queue du premier festiva venu.

Par contre, on ne peut pas de prétendre déçues côté mini-lézards! Ils sont partout, sautent partout, vivent partout, et ce peu importe la température, l'ensoleillement, l'heure, les conditions salariales ou la proximité d'une garderie. Ce sont des anoles et des geckos, découvrîmes-nous, plus tard. Je les affectionne bien, même si ce ne sont pas du tout les lézards que l'on cherche.
ÔTEZ-VOUS DONC DE MONS CHEMIN, VILS MARRAUDS! FAQUINS! ECTOPLASMES EN PANTACOURTS!

En scrutant le sol, nous avons découvert la chose la plus incongrue qui soit dans ce décor préhistorique: une paire de godasses abandonnées (!!) , alors que la simple idée de se poser le pied où que ce soit sans bottes de caoutchouc nous est totalement saugrenue. Particulièrement insolite, comme trouvaille! Je me serais davantage attendue à tomber sur le fossile d'un des potes de Lucy - in the sky with diamonds - l'australopithèque ou sur un crâne de feu Monsieur le Gnou plutôt qu'un soulier! Et à l'intérieur des dites chaussures, qu'y avait-il? La plus grosse dendrobate auratus du monde entier!! WOH! J'imagine que ça lui faisait un joli milieu bien humide! Un genre de chalet sur le bord d'un lac pour y couler ses beaux jours de dendrobate...

En après-midi, toute la troupe est allée planter des arbres sur les anciennes terres à bétail en bordure de La Suerte, que la station avait déjà commencé à reboiser. Étonnamment, je doute que nous soyons réellement arrivés à réparer l'ensemble de tous les dommages infligés à la forêt tropicale, MAIS IL S'EN EST FALLU DE PEU! C'était néanmoins très chouette, d'autant plus que nous avons rencontré une Callidrya agalychnis (la grenouille TELUS! dont je dois l'immortalisation photographique à Mélissa), qui est pourtant nocturne. J'ai nommé mon arbre "Taboulé" (petite pensée pour ce cher Joey Chouchoubiz Boily).

Soit dit au passage: j'ai rencontré l'amour de ma vie, la seule chose qui donnerait espoir à tout un peuple en temps de famine, l'aliment miracle qui donne tout son sens à la vie qui justifie qu'il vaille la peine de vivre ne serait-ce que pour y goûter:
LA CRÈME GLACÉE À LA NOIX DE COCO!
En fin de journée, Vincent, Carine, Mathieu et moi avons aventureusement emprunté le petit chemin de terre battue (après avoir traversé la grille de barbelés de la mort qui tue tenant lieu de porte d'entrée à La Suerte) qui mène à une sorte de micro magazin général, où nous avons acheté une glace à la noix de coco. OHLÀLÀ! Si je devais me nourrir d'une seule chose toute ma vie (*TOUSSE qui a parlé de protéines? *TOUSSE), ce serait sans aucune hésitation la glace à la noix de coco. Ça goûte le ciel.

Ce soir, je réalise que l'ASP (activité synthèse de programme, ce sur quoi nous travaillerons lors de nos 3 derniers jours à la Suerte et qui consistera à notre projet d'intégration de fin de DEC... Bref: presque rien de stressant, important ou décisif pour notre avenir collégial - ceci étant ironique) approche à pas de géant. Il faut qu'il s'agisse d'un sujet intéressant et motivant, vu la durée de temps que nous y consacrerons... J'aurai envie de le faire sur les araignées, je crois. Mais tout dépend encore des membres des membres de l'équipe dans laquelle je serai.
Arghh... Pourquoi les prises de décisions existent-elles, HEIN?!?



Parfois, j'aimerais mieux avoir le cerveau mou et ne pas avoir d'opinion.

Dia cuatro: la grenouille dit au crapeau...

Matin de Gallo Pinto, comme le seront les 6 à venir.
J'adore ce pays.

Au Costa Rica, il y a deux possibilités de repas. Du riz ET des haricots noirs, ou encore du riz AVEC des haricots noirs, la dernière option - qui relève de la haute gastronomie - portant le nom de Gallo Pinto. Sans blagues, je trouve ça vraiment fantastique, et je mets au défi qui que ce soit d'en manger plus que moi pendant 7 jours. TARATATA.

Autre découverte: ICI, LA PAPAYE N'EST PAS SUCRÉE!
(C'est bon, Vincent: je n'ai plus besoin de te tuer, maintenant)
De ce fait, elle devient le seul fruit qu'on nous sert, le matin, à ne pas être chapardé par tout le monde. 1-800-complexed'inférioritéfruitier, J'ÉCOUTE?! Par bonté d'âme, je me sacrifie, dans un généreux élan d'absolution, pour manger les papayes délaissées par ce monde d'ingratitude et d'injustice.

C'est aujourd'hui le début des laboratoires dirrigés: le groupe étant divisé en 3 équipes, nous seront investis de 3 cruciales missions (à honorer en 3 jours, une par jour) au cours desquelles, si nous l'acceptons, faisant fi de notre passé, de nos épouses et de nos 12 enfants restés au Québec qui ne jurent que par notre survie, nous devrons recueillir données, améliorations, conseils et observations, pour ensuite les transmettre à l'équipe qui prendra la relève le lendemain, et ainsi de suite. Le dernier laboratoire que nous ferons sera sujet à évaluation, sous la forme d'un article scientifique à rédiger.

Tels les Hercule, Ulysse et Terry Fox que nous sommes, nous nous apprêtons à affronter, pis encore que le Lion de Némée et l'Hydre de Lerne (entre vous et moi: qu'y a-t-il de si menaçant chez une hydre pour qu'elle mérite de faire partie des douzes travaux D'Hercule, HMM, JE VOUS LE DEMANDE?!?), des dangers aussis périlleux que:
- Les dendrobates psychotropes épilleptiques
- Les lézardsaurus-rex de l'île de Cocos
- Les arbres Socrates, ou les fléaux apocalyptiques de l'ange-noir-de-la-mort-qui-tue

ALEA JACTA ES... Le sort en est jeté.

Mon équipe et moi débutons, en cette première aventure épique, avec le laboratoire sur la territorialité des Dendrobates. JOIEJOIEJOIE! Je m'extasie de ce moment depuis que j'ai entendu parlé des dendrobates... Il s'agit de petites grenouilles aux couleurs vives (nous étudions deux espèces: les dendrobates auratus, vert fluo et noires, et pumilio, rouges avec des taches bleues en forme de pantalon de jeans... Le mérite des deux photos va entièrement à Wikipédia), un tantinet toxiques - donc: à ne pas lécher, malgré l'envie qui nous tenaille tous -, dont les mâles chantent pour courtiser les femelles, les mâles seulement étant supposément territoriaux. Nous devons écouter leur chant, capturer le dit Don Juan et aller le déposer à quelques mètres de son promontoire. Après avoir noté l'endroit de capture et de libération, on poursuit notre route pour revenir, une heure et des poussières plus tard, voir l'état de notre pote, à savoir s'il est aller paître ailleurs ou s'il est revenu à sa position initiale, fier roi de la montagne qu'il est.

OHLÀLÀ QUE JE M'AMUSE!
Je déclare cette journée "Plus beau jour de ma vie #6921". À la fin de l'avant-midi passé dans la Large Forest, j'étais crottée jusque sous la peau, les bras couverts de boue, me joignant, avec Simon, l'un des gars de mon équipe, aux rangs des Dendrobate Hunter accomplis. On a eu un peu de mal à discerner le cri des dendrobates, au début, mais sans plus. C'est vraiment un chouette grenouille!! (ambition # 2378: devenir une dendrobate)

Que ce soit par manque d'adaptation à la chaleur et à l'humidité ou alors pas chochottise, la jungle, ça épuise! Alors, en après-midi, comme tout le monde était crevé, Audrey, Mathieu, Simon et moi avons rebellement décidé d'aller plutôt nous ballader dans la Large Forest, délaissant un peu nos dendrobates. Et puis entre s'aventurer dans la jungle ou se faire bronzer aux cabines, comme certaines filles du groupe le firent, je préfère de loin la vie d'exploratrice.
Ça vallait fichtrement la peine! La végétation est incroyable, allant des immenses fougères aux racines colossales des arbres à contre-forts, qui parfois forment des paliers d'escalier naturels. Ironiquement, cette fois (peut-être parce que notre oeil et nos oreilles s'y sont faits) on voit et on entend toute dendrobate qui se trouve aux alentours. Il y a des Socrates, avec leurs racines échasses qui forment de petits tipis aux pieds des arbres, encore des toucans, des pics, des écureuils aux drôles de couleurs... Pour la première fois, on croise des singes hurleurs - en pleine discussion avec Pierre-Olivier, Homo Sapiens Sapiens aspirant singe hurleur - et toute une bande de cappucins. Se pendant du haut d'un arbre, une fleur (?) toute brune, comme séchée et recrocvillée sur elle-même, dans laquelle s'est élue domicile une de ces araignées à looooooongues pattes (juste un peu plus grosses que celles qu'on voit au Québec). Nous avons même découvert un trou dans le centre d'un arbre immense échoué sur le sol, dont les racines gigantesques, contre-forts obligent, s'éparpilaient dans les airs. Des chauves-souris y voletaient, bien à l'abris du soleil.
Vraiment impressionnant.
La journée se termine aussi bien qu'elle a débuté. Nous sommes quelques-uns à végéter dans des hamacs, notre besogne achevée, à jouer à des jeux quasi intellectuellement demandant... On se libère d'une dure journée, on sociabilise et mange de la noix de coco, grâcieuseté de Mathieu-Rambo en personne.
Tout compte fait, il me semble que c'est à ce moment que nous avons fait la douce rencontre de Gary le crapeau...

¡ LECHE VENOMOUS!

MAIS QU'AI-JE FAIT?!

Comment ai-je pu oublier de mentionner la folle rencontre dont nous - quelques élus survivants - fûment témoins, en cette première nuit "LaSuertienne" ? Comment outrepasser la douceur de ce visage, le mystère de ces yeux, l'hégémonie de son aura, la profondeur de son regard?


Photo featured by Pierre-Olivier

Je vous présente Gary, le batracien qui s'est donné pour mission de monter la garde la nuit, autour des cabines, pendant toute la durée de notre voyage. J'en déduis qu'il est fichtrement Efficace, ce colosse, du haut de ses quelques 15 centimètres (mouillé). Lionel (le Costa Ricain le plus génial de la terre) prétendait qu'il crachait du leche venomous. Mais même si Karine a tenté de démentir la rumeur, personne n'est sans savoir que Gary peut vous terrasser par la seule force de son regard.

Faut pas jouer avec Gary.

Dia Tres : Liberté pour les toucans blancs

SAINT-ANNE-DES-MONTS-DE-BRIE-CANADIEN-DE-PIED-DE-VENT-D’OKA-DE-CHEDDAR-FORT-D’ÉMENTAL !

Ça y est. Je suis fichue. Tout espoir de rémission est vain.
Il n’y a plus aucune alternative possible : je dois IMPÉRATIVEMENT faire l’acquisition de 3 paires d’yeux supplémentaires. Ou alors, m’intraveiner au 20-20-20 (de l’engrais, en jargon botanique) jusqu’à ce que quatre nouvelles têtes me poussent : l’une pour regarder ou je marche et s’occuper de mes MAINS-FESSES-PIEDS ; l’autre pour scruter le sol à la recherche d’une grenouilles phosphorescente de la taille d’un scottish terrier (EH, OH: un petit scottish terrier, n’exagérons rien) ; une autre pour scanner le dessus et le dessous de chaque feuille dans l’espoir d’y voir une tarentules grosse de 6 mètres manger un singe-araignée (haha, c’est ironique) ; une encore pour percer les hauts feuillages des arbres immenses, au cas où on n’y verrait pas quelque singe ou alors Sam le Toucan (blanc, comme le veut la chanson de Jean-Leloup) …et celle qui reste pour parler aux singes hurleurs, mordre d’éventuels attaquants, chanter des sérénades de circonstance puis débiter des BabelibopBOP à tout vent… Car OUI, j’ai soumis mes compagnons au puissant courroux du Great Babelibopbop.


LA JUNGLE, ÇA TOOOOOOORCHE !

Il y a beaucoup trop de choses à regarder pour une seule tête ! Je suis aux bords de la combustion spontanée, tant la surexcitation me tenaille.

Même mon exacerbation est exacerbée.

Nous sommes arrivés à la station La Suerte - dans laquelle nous aurons l'incroyable chance de passer une semaine complète
(*TOUSSEvraimenttiptopgénialeformiformiformiformidable*TOUSSE)- vers 11h00 ce matin, après avoir tôt fait de quitter la capitale, San Josée. Pendant le trajet sinueux parmi les montagnes, j’oscillais combativement entre éveil et sommeil devant le paysage fou-braque qui nous entoure. Quel décor de OUF! Juracik Park, tu peux aller te rhabiller !

Histoire de se ravitailler, nous faisons escale dans un supermercado, le dernier que nous croiseront avant plusieurs jours. Ici, les Frosted Flakes s’appellent des ZUCARITAS, et tous les personnages de Kellogg’s (Sam, Tony, le coc vert sans nom ni personnalité, dieu ait son âme), sont dessinés d’une façon légèrement différente qu’en Amérique du Nord. Voulant faire de moi une dure de dure qui n’avalera que du riz et des fèves, je ne m’achète qu’une pomme (qui a poussé au Etats-Unis, comme je l’apprendrai quelques minutes plus tard en la débarrassant de son étiquette). Oh, et une paire de lunettes teintées, très discrètes et sobres, qui m’auront valu 1750 colones.

Le Bus Magique s’enfonce de plus en plus profondément dans les « rangs » de bananiers, talonné par celui du groupe de St-Jean sur Richelieu (l’un des groupes d’étudiants qui nous côtoiera, à la station). Nous croisons les bananeraies de Doles, dont les régimes de bananes sont tous recouverts de sacs bleus. L’autobus bravera même la mort en passant, tel l’agile scooter qu’il est, sur un pont lilliputien d’une règle et demie de large (chose que j’aime le plus au monde # 4732 : extrapoler). VIVANTS, NOUS SOMMES TOUS VIVANTS !!

Puis, nous arrivons à La Suerte.
WOWOW !

La station se trouve entre deux forêts (la Small Forest et la Large Forest). Un bâtiment principal (la Main House) tient lieu de cafétéria, de pont avec le monde extérieur (téléphone oblige) et de dortoir pour les professeurs. Il y a des hamacs au second étage, des cocotiers partout, des oiseaux jaunerougenoirjauneblancbruns qui passent, un lézard qui lézarde sur une roche, de petits chiens qui vaquent à leurs occupations de petits chiens, des piles de masses de boue renfermant des bottes de caoutchouc et pas de vitres aux fenêtres : que des moustiquaires.

Nous allons porter nos bagages aux cabines, situées à 3 minutes et des poussières de la Main House. Nos dortoirs, unisexes, sont constitués de béton, de tôle et d’une tranche de matelas mousse sur chaque lit superposé, et les commodités d’une douche au jet de robinet et d’une toilette dont la force herculéenne de pompage nous octroie de l'obligation de jeter le papier dans la poubelle, après utilisation. LA VIE EST UN SPORT DANGEREUX! Pour éviter les invasions de fourmis, il faut tracer une bande de savon autour des poteaux des lits. Très pratique, pardi. Aussi, nous partagerons cet espace douillet comme tout avec Gérard le Lézard, un petit gecko trouvé entre deux lits. Il y a des arbres tout autour, des fruits - de ceux que l'on ne connait même pas - à portée de main, quelques cocotiers aux alentours et des hamacs partout.


Après les explications de Michelle (qui gère la station) sur les quelques règles de la maison (par exemple, de ne pas aller seul en forêt la nuit "to have fun and sex" ou "funny insects", au choix de l'hallucination auditive entendue...) et le repas, Karine amène tout la troupe se ballader en forêt.
Est-il possible d'imaginer quelque chose de plus MALADE? C'est un rêve d'enfant aventurier, en fait. Je comprends à l'instant même l'enthousiasme perpétuel (maladif?) de Dora l'exploratrice. Tout a de quoi impressionner! D'ailleurs, il est fort probable que le seul fait d'entrer dans la jungle a les vertus de débarasser les aveugles de leur cécité et d'apprendre aux roches à être émerveillées. Il faut regarder partout, partout, partout, pour ne rien perdre. Il y a des termitières sur certains arbres, des nids de fourmis gros comme la murale de Chine, des forêts de bambous, des fleurs à colibris, de la boue partout. Nous croisons des Cappucins, des dendrobates, des papillons, des toucans (!!!), un gros serpent, des lézards, trois Tyrex, une manthe religieuse en forme de feuille (que nous avions prise pour un phasme)... Je peux indéniablement mourir, désormais.


Note à moi-même :
La jungle devrait être munie de panneaux annonçant les traverses de fourmis coupeuses de feuille. Ou, mieux encore, un écriteau orangé où il serait écrit ANTS AT WORK. Car dans le monde des fourmis, il n’y a que des fourmis. Des autoroutes de fourmis, des ascenseurs de fourmis, des fourmis extraterrestres, et tout, et tout.

BREF: ce jour fut l'un des plus formidables de ma vie (comme les quelques 6935 autres...). Je vivrai dans une cabane dans un arbre de La Suerte N'IMPORTE QUAND. Et je me rends de plus en plus compte qu'il y a vraiment de belles personnalités, autour de moi, dans le groupe!



Vive la vie.


Ohlàla… Je crois que je ne suis vraiment pas douée pour condenser de l’information. Il faudra que j’y travaille…